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Journal, très long j'espère, d'un sdf de moins.
8 août 2008

Peur d'éteindre la lumière

Ma situation ne s'est pas arrangée du tout. Je ne sais pas combien de temps, je vais tenir à ce rythme-là : Aller dormir est toujours une épouvantable épreuve, que je repousse le plus tard possible. Et avec le taf, je tourne entre 3 et 5 heures par nuit. Nettement insuffisant.
C'est toujours la même chose : dès que je ferme les yeux, le cauchemar envahit mon esprit et empêche l'apaisement. Quand ce n'est pas le flash-back de l'agonie de maman dans cet hôpital religieux de merde c'est - plus grave encore - les regrets qui gonflent et tourbillonnent dans ma tête et mon corps épuisés.
Le regret que maman ne me verra jamais papa.
Le regret que globalement, elle sera morte avec l'image d'un fils chômeur, SDF, pauvre et célibataire à 35 ans.
Le regret de n'avoir pu l'extraire de cette ville de Netanya qu'elle a tant haï les 15 dernières années de sa vie.
Le regret de n'avoir pu exorciser ce grand malheur de la séparation géographique entre elle et moi. Tout ce qu'elle voulait, humble, c'était voir son fils un peu plus qu'une fois par an. Et moi aussi...
Le regret de savoir qu'elle fut vraiment malheureuse ces 15 dernières années sans jamais avoir la chance de remonter la pente.
Le regret de n'avoir pu inverser lui offrir une belle fin de vie.
Et puis, toujours un idiot sentiment d'injustice irrationnelle : pourquoi être partie si jeune, à 59 ans ?

Elle croyait en moi, et je ne lui ai apporté que des déceptions.
Comment vivre avec ça ? Comment dormir la nuit avec ça ? Onze mois après sa mort, les nuits sont toujours aussi angoissantes. Je me sens tellement coupable. Et je ne sais pas comment trouver la porte de sortie, ou comment m'imaginer vivre toute une vie avec ce genre de regrets totalement irréparables.

Dans notre histoire familiale, je réalise que ma mère était un trait d'union essentiel entre mes familles. Tout a volé en éclat quand elle est morte.
Pour moi, ils ont tous participé à l'élaboration de sa mort. Ils sont tous responsables, moi y compris : ma soeur, mon père, le frère de ma mère, son père décédé, et même sa propre mère. A tous, je leur en veux. Je ne suis pas fâché, mais jamais je ne leur pardonnerai d'avoir entraîné et maintenu ma mère dans 15 ans de malheur, innocente victime sacrificielle de mesquineries familiales.
Elle était trop gentille, elle ne voulait faire de la peine à personne, elle ne voulait bousculer personne, elle a tout pris sur elle, ça l'a rongé au point de la tuer.
Même à moi, je suis sûr qu'elle se retenait de me supplier de venir la rejoindre en Israël.
Ils me l'ont prise, ils me l'ont tous prise, je ne leur pardonnerai jamais. A leurs obsèques, Je ne pleurerai pas un millième des larmes à eux tous réunis, que je n'en verse encore pour ma pauvre mère.
Déjà 2 ou 3 ans avant sa mort, avant même que l'on prononce le mot "cancer", je sentais sa voix au téléphone s'éteindre peu à peu. Toutes les conversations téléphoniques commençaient de la même façon :

- Ca va maman ?
- Bof...

Et moi, loin en France, de sentir un truc inexplicable, qui me faisait de plus de plus descendre les larmes aux joues. A mesure que je la sentais "s'éloigner", elle me manquait de plus en plus...

J'aimerais tant savoir s'il y a quelque chose après la mort, si vraiment elle me regarde et me protège. Dans le doute, je me dis que oui, alors je fais des efforts pour rester debout. Mais si j'étais sûr qu'il n'y a que le néant, alors l'un de mes voeux les plus chers, serait de partir au plus vite. De fermer moi aussi les yeux définitivement.
Comme mon pauvre père qui a fermé les yeux de sa femme après 41 ans de mariage, quand son cœur a cessé de battre. Je n'étais pas là. Je dormais, épuisé après une nuit blanche d'agonie. Je n'aurais jamais eu son courage. D'entendre soudain l'électrocardiogramme hurler et passer en tracé plat. Etre présent à la seconde même où elle est passée de l'autre côté... Rien que d'imaginer ce moment vécu par mon vieux père m'empêche de dormir.

Plus tard, quand mon père est arrivé dans mon tout nouveau chez-moi encore en chantier, comme un boulet envahisseur, j'ai été épouvantable avec lui, au point même qu'il m'a traité une fois d'enculé. Je voyais sa présence brutale dans ma vie comme un acte totalement égoïste, je voyais cet homme qui l'a entraîné dans ses galères, chercher un substitut à l'absence de ma mère.
Et puis, un jour, quand j'ai cherché à savoir le fond de l'affaire, il m'a dit que ma mère lui avait fait promettre de s'occuper de moi, quand elle ne serait plus là. Je n'ai rien répondu. Je suis juste allé à la salle de bains exploser silencieusement en larmes.
Elle l'avait donc senti, qu'elle mourrait. Mais elle m'en parlait si peu... et elle s'inquiétait pour moi ! Son seul recours était de demander à un vieux bonhomme de 80 ans de s'occuper de moi, plutôt que l'inverse.
Ca m'a tué. Ca me tue encore de savoir ça.

Ce soir, comme tous les soirs, où j'écris sur elle, je chiale comme une madeleine. J'ai, en vain, peiné à trouver une femme pour me décharger de cette énergie négative qui s'accumule encore en moi... alors, à défaut, l'écriture est une thérapeutique pour m'aider à calmer mes angoisses.

Et puis, quelle femme serait capable d'accueillir une douleur pareille et mes regrets empilés ?
A force de me faire mener en bateau, ou de me prendre des rateaux, je deviens de plus en plus cynique, et particulièrement envers, et contre les femmes.
Ma vision naïve de la femme pure dominant son désir sexuel, a définitivement cédé le pas à l'image de salopes égoïstes et manipulatrices (Par exemple, la belle Julie, nouvellement célibataire, qui me trouve mignon a préféré baiser avec un type choppé en boite plutôt qu'avec moi, avec qui elle parle bien).
J'arrête de cavaler pour trouver chaussure à mon pied. De toute façon, je ne pourrais pas vivre une relation épanouie, si ma femme n'a pas cette empathie par rapport à cette immense douleur qui fait maintenant partie de moi. Qui veut de moi, doit aussi prendre ma douleur, comme dit la chanson de Camille...

C'est vraiment cette année que j'ai ouvert les yeux sur la nature profonde des femmes. Et autant, auparavant j'étais en adoration devant cette sublime créature de la nature, autant je me sens gagné jour après jour, par une forme dissimulée de mépris, voire de détachement, de désinvolture, et de franchise parfois choquante pour leurs "chastes" oreilles. A tel point qu'au boulot, je sens que les avis se radicalisent à mon sujet. Certaines d'entres elles me trouvent "pervers", "horrible" etc... tandis que d'autres apprécient mon franc-parler (y compris envers mes supérieurs). Quant à celles qui ont décidé de m'ignorer, celles qui me posent des lapins, ou celles qui baisent avec le premier venu sauf moi, qu'elles aillent toutes se faire mettre, je me fous totalement de ce qu'elles peuvent penser de moi, je crois qu'elle n'imaginent pas à quel point  je suis indifférent à leurs "petites" attitudes capricieuses, aucune d'entre elle ne sera responsable de mes insomnies. J'ai pris de sacrés leçons avec l'affaire Marion...

Alors en attendant, je continue de dormir seul, sans baiser. Il faut voir la tête des meufs quand je leur dis que j'ai pas baisé depuis 3 mois. Elles me regardent comme un extra-terrestre. "Mais comment tu fais"... et là, j'apprends que globalement, c'est une bande de chiennes en chaleur prête à s'enfiler le premier venu, sans attendre un temps aussi considérable...

Je dors seul, mais plus chez moi, j'ai quitté mon boui-boui que je détestais, et je suis allé m'installer temporairement chez mon père en vadrouille dans le nord. Je cherche un vrai appartement avec une chambre et un salon. Après avoir dormi dans ma voiture, puis au Foyer Riquet, puis dans mon petit chez-moi, avant d'arriver chez le paternel, ce futur appart ne fera jamais que mon cinquième "domicile" en 10 mois, après mon arrivée sur Toulouse.

Mais encore faudrait-il que je dorme. J'ai été en arrêt-maladie pour "anxiété aiguë et troubles du sommeil" avec des cachetons à prendre. Je ne les ai pas pris. Toujours la peur d'éteindre la lumière et de penser...
Mais je pourrais plus tenir des mois comme ça. Physiquement je vais m'écrouler, et je vais finir par perdre mon job, sous le coup de la fatigue, ou d'une colère malvenue sur mon lieu de travail à force d'avoir les nerfs en bouillie...

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