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Journal, très long j'espère, d'un sdf de moins.
30 octobre 2008

1982, les jours heureux.

Le temps file et dévaste tout. Il dévaste la jeunesse, le bonheur du moment, l'innocence aveugle, et 1982 est loin, et dévasté.

Ce soir, j'ai commencé à archiver sur DVD les vieilles K7 VHS de mon père. Je transfère tout en numérique avant l'inévitable destruction des bandes analogiques.
Et nous sommes tombés sur la plus vieille bande enregistrée sur camescope.
1982.
J'avais neuf ans. Un vrai petit con gentil, mais un peu agité.
Je regarde le film couleur comme de vieilles photos en noir et blanc. Une époque morte et enterrée. Tous les adultes présents sur cette bande sont morts, handicapés, divorcés, vieillis, veufs, alcooliques, séparés, terrassés. Pratiquement aucun d'entre eux n'a cette vieillesse rutilante des brochures d'assurance-vie - grands-parents aux cheveux aussi blancs que leurs dents - ou des pubs des PFG. Le temps est un cancer.

C'était les jours heureux. J'ai revu ma mère, belle, resplendissante, en pleine santé, encore loin, si loin - mais pas si loin en fait - du cimetierre où elle repose aujourd'hui.
Et là je reçois un coup de massue. Sur cette vidéo, ma mère a 35 ans. Elle est heureuse, mariée, j'entends sa voix inoubliable, les amis vont bien, la famille va bien, tout va bien.
Elle a 35 ans. Et moi, ce soir, j'ai aussi 35 ans.
Et pourtant, il y a un monde, il y a plusieurs mondes, entre ses 35 ans et mes 35 ans. Il y avait du soleil dans ses yeux, il y a la lune dans les miens. Tout semblait plus simple, plus net, plus établi, plus carré à l'époque, aucune fêlure dans ma poitrine de petit garçon à la voix fluette.
Si par un miracle temporel, je débarquais tel quel à cette époque, je ne serais rien d'autre qu'un petit merdeux, une sorte d'adolescent attardé qui peine à sortir la tête de l'eau. Je n'aurais pas ma place dans ce tableau. Tout est mort et enterré. J'ai vieilli.

Je n'ai pas voulu pleurer en voyant ces images. J'ai juste pris une claque énorme. La puissance brute de mon père cinquantenaire, et aujourd'hui, l'homme vieilli, courbé, brisé, qui peine à se mettre sur ses 2 jambes arthrosées.
Le temps est un cancer.

Ce soir, en rentrant en vélo, en laissant ce père qui passe son temps à s'affaiblir en siestes pathologiques, la roue du temps a continué de tourner dans ma tête. 1982, 1983... les années 90 et le début de la chute...

J'ai peur de finir seul. Je n'ai pas peur de mourir, j'ai juste peur de finir seul, parce que le temps emporte tout, et que je porte en moi trop de choses difficiles, trop de traumatismes, comme un bruit sourd difficile à calfeutrer. Je suis certain que tout cela freine inconsciemment mon envie, et ma capacité à me remettre avec quelqu'un. Il n'y a plus rien de léger en moi... et quoi de plus léger que l'Amour ?

Quelque part, malgré mon bel appartement, malgré ma petite "ascension" sociale, dans ma gorge et ma poitrine, je pleure encore 1982 et je hais ce nouveau siècle...

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