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Journal, très long j'espère, d'un sdf de moins.
1 novembre 2008

L'automate

- Quel est ton voeu le plus cher en ce moment ?
- C'est difficile comme question...
- Pourquoi difficile ? Il y a bien une chose qui te fait plus envie que d'autres ?
- Ben, il y a les voeux qui semblent atteignables, et les autres, à des années-lumières de toute réalisation possible.
- Oooh, t'es pas de bon poil toi aujourd'hui, tu vas encore me dire des horreurs.
- Du calme l'ami, c'est toi qui me poses des questions idiotes.
- Idiotes ? Tu vieillis mon pauvre. Avant, ce genre de question t'aurait fait vriller l'imagination. Liberté totale.
- Oui, c'est vrai, mais comme tout le monde, je suis rattrapé par le principe de réalité.
- Et alors ? Ca empêche pas d'avoir des buts, des idéaux.
- Ecoute, poil-à-gratter, il y a une chose qui me trotte dans la tête en ce moment, mais tu vas encore dire que je suis un indécrottable pessimiste, limite kafkaïen.
- Quoi ? Encore tes idées de suicide à la con ?
- Pas vraiment en fait. Disons plutôt que... si tu veux vraiment savoir... j'aimerais bien être frappé d'une maladie mortelle.
- Ah ! C'est nouveau ça ! C'est original, au moins !
- Oui, ça évite l'acte violent du suicide. Je n'ai pas ce courage-là.
- Mais c'est facile de chopper un truc mortel. Tiens, rien que le SIDA...
- Non, tu m'as mal compris, je ne veux pas faire dans l'intentionnel, je veux juste que ça me tombe dessus, comme un plan loose de plus, tu saisis ? Je crois que si on me disait que j'en avais plus que pour 3 mois à vivre... ça me soulagerait beaucoup.
- Du bluff.
- Crois ce que tu veux. Mais depuis 1 an et demi, j'ai subi 3 anesthésies générales, et pas une seconde, je n'ai craint pour ma vie. Il y avait même une petite partie de moi qui espérait à chaque fois, ne pas se réveiller.
- Non, mais t'es marteau ! Ecoutes ton père ! Il  te l'as dit qu'il te restait plein de choses à faire dans cette vie ! Tu es encore jeune, bordel !
- Tu l'as dit, les journées filent à toute vitesse, sitôt levé, sitôt couché, mais il y a juste un problème majeur dans ces journées bien remplies : je n'y prends aucun plaisir. Chaque jour est un fardeau. Etre vivant est un fardeau.
- Alors pourquoi tu ne vas pas te détruire à Amsterdam comme tu y songeais il y a quelques mois ?
- Parce qu'être junkie et vivre dans la crasse est encore plus difficile. Chaque jour, je fais ce que j'ai à faire, je me lève, je vais bosser, je meuble mon appart, je m'occupe comme je peux de mon père, je m'achète des vêtements neufs, j'essaie de gravir un à un les barreaux de l'échelle sociale, je tente de m'améliorer... je ne suis pas déprimé au point de rester comme un zombie couché sur un lit toute la journée. C'est juste que, je me sens... fâné. J'agis comme un automate qui suit un programme de survie logique, en fonction des critères sociaux qui m'entourent. Mais la rage de vivre, elle, est totalement absente.
- Jamais de plaisir alors ?
- Très peu.
- Le meilleur moment de la journée ?
- Cette petite minute où j'éteins la lumière, et où je me fous en boule sous ma couette en fermant les yeux.
- T'es en train de me mener en bateau. Je sais que ton voeu le plus cher, c'est de trouver l'amour-le-vrai. Dans la rue, tu passes ton temps à vriller ton regard dans celui des centaines de femmes que tu croises.
- Des milliers, plutôt.
- Alors ?
- Alors rien, il ne se passe rien. Je ne rencontre que de l'indifférence. Les femmes doivent sentir ce petit être mort que je cache en moi.
- Evidemment, avec un tel état d'esprit, tu dois dégager des ondes négatives qui doivent les faire fuir.
- Certainement oui, ajoutes à ça un petit sourire niais et crispé, et les chances d'une rencontre miraculeuse tombent à zéro.
- L'avenir alors ?
- Je n'en sais rien. Je continuerai froidement à essayer de m'améliorer, en attendant que le mauvais sort ou la bonne fortune me règle me compte une fois pour toute.
- Je me casse, t'es trop déprimant, va mourir si t'en as envie, ça empêchera pas le monde d'avancer.
- Qu'est-ce que tu veux ça me foute ?

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